Agroalimentaire : à quoi s’attendre en 2019 / À la une

Les industriels de l’agroalimentaire vont devoir s’adapter à un environnement réglementaire fluctuant, avec un soupçon d’espoir insufflé par la loi Alimentation, ainsi qu’à de profondes évolutions sociétales. Le point sur les principaux changements.

Une fois n’est pas coutume, les industriels de l’agroalimentaire vont devoir s’adapter à un environnement réglementaire fluctuant, avec un soupçon d’espoir insufflé par la loi Alimentation, mais aussi de nouvelles contraintes comme sur les emballages. La création de valeur va donc être au centre des préoccupations, alors même que les blocages par les gilets jaunes ont entaillé la vitalité économique d’un secteur déjà sur la brèche. En parallèle, les entreprises alimentaires doivent appréhender les modifications des comportements d’achat, générées par de profondes évolutions sociétales (bio, végétal, origine, etc.).

LOI ALIMENTATION : l’heure de vérité

Selon les calculs de l’Ania à partir des données Insee (à octobre 2018), la production alimentaire a perdu 1,2 % en volume en 2018. Cela après cinq années d’alternance entre stabilité et baisse. Une évolution à mettre en regard de la baisse de la consommation alimentaire : -1,4 % sur l’année 2018. Mécaniquement, les prévisions d’investissement ne sont pas bonnes. Le recul des marges lié à la guerre des prix est bien sûr en cause. L’impact du mouvement des gilets jaunes aggrave cette conjoncture déjà difficile. L’Ania estime la perte potentielle à 13,5 Mds€ , soit 8 % du chiffre d’affaires consolidé du secteur.

La loi Alimentation en est d’autant plus attendue. L’ordonnance du 13 décembre prévoit une hausse de 10 % du seuil de revente à perte (par décret, au plus tard le 1er juin 2019), des promotions limitées à 34 % du prix de vente au consommateur ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente (depuis le 1er janvier 2019) et ne portant pas sur plus de 25 % du chiffre d’affaires prévisionnel et du volume prévisionnel prévu par contrat (pour les négociations conclues au plus tard le 1er mars). Mais les doutes sur l’efficacité de ces mesures persistent. Dans son avis, l’Autorité de la Concurrence a tapé fort. L’instance regrette que ce dispositif repose sur une élévation des marges de la grande distribution plutôt que sur la modification des relations entre producteurs et distributeurs. Et redoute que les « hausses de prix engendrées aient un effet anti-redistributif, tandis que le bénéfice pour les producteurs ne sera qu’indirect et donc très incertain ».

En parallèle, les entreprises du secteur de la boulangerie vont bénéficier d’un bol d’oxygène. La suppression de la taxe sur les farines, Arlésienne de la présidence Hollande, a été actée par la loi de finances 2019 votée le 28 décembre 2018. Une décision appliquée au 1er janvier 2019.

SURAMORTISSEMENT : un coup de pouce pour l’investissement des PME

A l’origine du regain d’investissement de la période 2015-2017, le dispositif de suramortissement est de retour depuis le 1er janvier 2019. Cette nouvelle mouture concerne uniquement les PME industrielles qui investissent, avant le 31 décembre 2020, dans la robotisation et la transition numérique. Les entreprises peuvent bénéficier d’un suramortissement de 40 % pendant deux ans, soit jusqu’à 11 % de réduction du coût de l’investissement. Le périmètre éligible comporte en particulier :

  • les équipements de robotique et de fabrication additive,
  • les outils numériques de conception et de gestion de la production,
  • les capteurs connectés et plus largement les dispositifs d’identification, de traçabilité et de géolocalisation des produits,
  • les équipements de réalité augmentée et de réalité virtuelle,
  • les machines de production à commande programmable ou numérique.

ENERGIES : l’inflation des prix

Les concurrents d’EDF (Engie, Total, Direct Energie, Leclerc…) ont commandé un niveau record d’électricité nucléaire. Ils pouvaient collectivement acheter 100 TWh au tarif régulé. Selon le décompte de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) publié fin novembre 2018, ils en ont demandé 132,93 TWh. C’est donc un rationnement (au prorata de leur demande) qui se profile pour 2019 et avec lui la nécessité de compléter les approvisionnements sur le marché, à des coûts supérieurs. Selon les estimations, la hausse sur la facture pourrait atteindre 4 à 8 %.

L’augmentation du prix du gaz a été très marquée en 2018 avec une hausse du tarif réglementé de plus de 20%. La tendance est à la hausse. Cependant, face au mouvement des gilets jaunes, le gouvernement a assuré prendre les mesures nécessaires pour ne pas augmenter le prix du gaz entre janvier et juin 2019. L’augmentation de la TICGN (taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel) est gelée. En janvier 2019, le tarif réglementé a, quant à lui, baissé de 2 % par rapport à décembre 2018.

EMBALLAGES : la pression réglementaire

La directive Single Use Plastic sera promulguée en mars/avril 2019 et les Etats membres de l’Union Européenne auront deux ans pour transposer le texte dans leur droit national. Cette directive encadre, entre autres :

  • l’interdiction des couverts et assiettes jetables en plastique,

  • la réduction de la consommation de certains emballages en plastique (aliments prêt à être consommés en portions individuelles),

  • l’interdiction de mettre sur le marché des « récipients pour boissons » à usage unique (les bouteilles) fabriqués à partir de plastique si leurs bouchons et couvercles ne sont pas solidaires du récipient. A l’image de ce que propose déjà Cristaline par exemple sur ses bouteilles d’eau,

  • l’obligation d’incorporer de 25% de r-PET dans les bouteilles d’ici 2025.

La Feuille de Route sur l’Économie Circulaire française est attendue pour 2019. Avec le mouvement des gilets jaunes, elle a pris du retard. Elle pourrait, entre autres, conduire à une taxation de 10 % des plastiques qui ne disposent pas de filière de recyclage. Elle fixe aussi un objectif de 100 % de plastiques recyclés d’ici 2025 en France. Mais les professionnels appellent de leurs vœux une évolution du texte pour « tendre vers » 100 % de plastiques recyclés ou pour aller vers « 100 % de plastiques valorisés ».

L’heure est à la recherche de substituts en vue de l’entrée en application de l’amendement Lambert de la loi Alimentation au 1er janvier 2020. Celui-ci stipule qu’au plus tard à cette date, il sera mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table, de pailles, plateaux repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs en matière plastique. Sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. Cette interdiction devrait porter sur les contenants de vente à emporter, remplis sur place et jetés à l’issue de la première utilisation.

L’éco-contribution Citéo évolue : les emballages en papier-carton qui intègrent des matières premières issues du recyclage voient leur contribution au poids diminuer de 10 % en 2019 si plus de 50 % du poids total de l’emballage est en matière recyclée.

La législation sur les matériaux au contact des denrées alimentaires (MCDA) est en cours de révision. Une évaluation se poursuit pour déterminer si le cadre actuel est adapté à l’objectif de sécurité sanitaire. Après diverses consultations, un workshop présentera en juin 2019 les conclusions préliminaires de l’évaluation, qui devrait s’achever en 2020 par une modification du règlement cadre (CE) n° 1935/2004 relatif aux matériaux au contact.

Le règlement “bisphénol A” est entré en vigueur en septembre 2018 : la migration dans les denrées alimentaires du composé indésirable ne doit désormais plus excéder une limite de migration spécifique de 0,05 mg de bisphénol A par kg de denrées alimentaires (mg/kg). Ceci est valable pour la migration provenant des plastiques, mais aussi des revêtements et vernis pour les métaux et de tout autre matériau en contact avec des denrées alimentaires. En France, l’interdiction totale des contenants alimentaires pouvant contenir du bisphénol A pourrait ainsi être remise en cause…

SÉCURITÉ DES ALIMENTS : l’IFS V7 et la version 5 du FSSC 22 000 attendues

L’année 2019 sera également marquée par des évolutions dans les référentiels de sécurité des aliments. La version 7 du référentiel International Featured Standard (IFS), attendue depuis près de deux ans maintenant, devrait paraître au plus tôt en septembre 2019.

Suite à la publication de la version 2018 de la norme de sécurité des aliments ISO 22 000, la version 5 du référentiel FSSC 22 000 est quant à elle annoncée pour juillet prochain (lire

Janvier 2019, p.84
).

De son côté, la version 8 du référentiel britannique BRC entrera en application dès le mois de février 2019.

A noter également que le Codex Alimentarius est en cours de révision.

RAPPELS PRODUITS : vers un site de rappels centralisés

Ce fût l’un des principaux enseignements de l’affaire Lactalis : l’annonce de Bruno Le Maire de mettre en place un site unique qui recenserait l’intégralité des rappels produits. Une initiative qui n’a jamais débouché sur quelque chose de concret jusqu’à présent. Le gouvernement a publié fin décembre

les propositions
qu’il portera au niveau européen. En sachant que dans le cadre de Num-Alim, l’Ania et la FCD se sont associées à GS1 France pour

créer des outils digitaux
afin d’être encore plus réactifs et efficaces en cas de crises sanitaires lors de mesures de retraits-rappels.

RECETTES : le choix d’ingrédients s’élargit

Le bio poursuit son envol et devrait de nouveau connaître une croissance à deux chiffres. Cependant, côté ingrédients, c’est avant tout le végétal qui va faire l’actualité en 2019. Entre les substituts de produits animaux et les produits qui mettent en avant des légumes, légumes secs ou des plantes au sens large, le choix va s’élargir. On compte dans cette tendance les alternatives aux pâtes ou au riz. Les boissons végétales sont en train de se généraliser et les consommateurs friands d’amande pourraient s’intéresser à d’autres oléagineux ou céréales pour varier les plaisirs.

En réponse à cette vague végétale, les produits laitiers se diversifient aussi. Les solutions au lait de chèvre et de brebis sont en plein développement. Il se pourrait que des produits au lait de bufflonne, de chamelle ou même de yack suscitent la curiosité des plus aventureux.

Certains nutriments devraient avoir la cote cette année. Les fibres, les probiotiques et le bien-être digestif intéressent davantage les consommateurs et cela se renforcera avec l’exposition tirée du best-seller Le charme discret de l’intestin qui se tient jusqu’au 4 août 2019 à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris.

Les protéines seront toujours d’actualité, que ce soit pour les sportifs ou pour la nutrition senior. Mais la mode du régime cétogène (riche en lipides et pauvre en glucides) dans les pays anglo-saxons se traduira peut-être par un retour en grâce du gras cette année en France.

Enfin, d’après les distributeurs américain Whole Foods et britannique Waitrose, les glaces originales (dont celles présentées dans des gaufres- œufs, à la mode de Hong-Kong), l’amertume, les snacks aux produits marins, le chanvre et les cocktails originaux sont amenés à rayonner mondialement dès cette année. L’influence anglo-saxonne sur les comportements de consommation ne devrait donc pas faiblir…

TRAÇABILITÉ : l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait prolongé

Le

décret n° 2018-1239
, publié le 24 décembre 2018, prolonge l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait, ainsi que du lait et de la viande en tant qu’ingrédients jusqu’au 31 mars 2020. Cette mesure a été poussée au départ par un amont agricole en crise et par les associations de consommateurs qui plaident pour toujours plus de transparence. La France, pionnière sur ce sujet, souhaite à présent aller plus loin dans l’harmonisation au niveau européen. Pour rappel, l’expérimentation française a démarré en janvier 2017 et son échéance était fixée au 31 décembre 2018.

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